GUYANES

GUYANES
GUYANES

Les recherches géohistoriques, anthropologiques et linguistiques ont peu à peu esquissé l’unité du domaine des Guyanes. Délimité par les fleuves Orénoque, río Negro, Amazone et par 3 000 km de littoral océanique marécageux, le bouclier guyanais s’étend sur environ 1 700 000 km2. Les structures géographiques du domaine guyanais associent à un vaste haut plateau (cordillère Pacaraima), dominé par le mont Roraima (2 810 m), des zones de dépression où coulent fleuves et rivières, des «savanes hautes» et une plaine côtière d’alluvions, marécageuse, longue de 2 000 km, bordée de palétuviers. Cette région possède de nombreux cours d’eau, et le voisinage de l’équateur accentue les différences entre littoral et intérieur sur le plan du climat et de la végétation.

Le climat des Guyanes est de type équatorial: chaud et pluvieux. Il est sensible aux moindres variations du relief et de la couverture végétale. Les précipitations augmentent d’ouest en est, de la côte vers l’intérieur. Cette situation topographique et orographique explique la distribution du peuplement en habitat linéaire, le long des côtes et de certains cours d’eau. Une certaine unité ethnoculturelle est reconnue aux populations amérindiennes ayant une même origine amazonienne, malgré des différences linguistiques et ethnologiques. Une unité se dégage ainsi de l’histoire de cette région soumise depuis le XVIe siècle à un processus de colonisation européen avec son fondement esclavagiste. La pénétration européenne ne s’est pas seulement heurtée aux populations indigènes, qui se sont effondrées à son contact, mais elle a différencié cinq Guyanes. Entre les Guyanes vénézuélienne (Guayana) et brésilienne ont émergé depuis le XVIIe siècle la Guyane hollandaise (Suriname, 163 300 km2), la Guyane britannique (Guyana, 215 000 km2) et la Guyane française (91 000 km2).

Un territoire délaissé par les Ibériques

Le traité de Tordesillas (7 juin 1494), signé par le Portugal et l’Espagne sous l’arbitrage du pape Alexandre IV Borgia, traçait une ligne de partage du monde. Ce méridien qui coupait l’Amérique du Sud entre Belém et Parnaíba (Brésil) – selon les estimations des experts de l’époque – permit aux Portugais de s’établir après 1500 au Nouveau Monde. Aux confins des Indes de Castille, du delta de l’Orénoque à la ligne de démarcation (controversée) s’étendaient en marge de la terre ferme plus de 3 000 km de littoral marécageux, inhospitalier: la Costa Brava. De la Guayana des Espagnols, au voisinage de l’Orénoque, jusqu’à l’embouchure de l’Amazone, la Côte Sauvage demeura au XVIe siècle en dehors du mouvement colonial des Ibériques. C’était le domaine privilégié du rescate (troc), ce trafic particulier que les Européens pratiquaient avec des indigènes et qui s’accompagnait très souvent de la chasse aux Amérindiens ainsi que de la recherche des métaux précieux.

Après les voyages de repérage des premiers navigateurs vers 1499-1501 (Alonso de Ójeda, Juan de la Cosa, Vincente Yáñez Pinzón, Américo Vespucci, Diego de Lepe, Cristobal et Luis Guerra), les Espagnols, déçus, préférèrent orienter leur effort de conquête vers Cumaná et le Darién. Tout semblait se conjuguer en effet pour entraver l’implantation coloniale: les structures géographiques, les difficultés de navigation (courants et vents), la résistance opiniâtre des populations autochtones. L’absence d’un grand chef de la stature de Cortés et de Pizarro explique en partie l’échec des tentatives d’établissement. Après les explorations de Diego de Ordas vers 1527-1530, en direction du río Marañon, et de Francisco de Orellana en 1545-1546 – qui relia le Pérou à l’embouchure de l’Amazone –, les sources ne mentionnent plus que le voyage de Serpa en 1570 à deux cents lieues à l’est de Trinidad. L’effort de la conquête espagnole portant surtout en direction des centres miniers (Potosí, Cuzco, Huancavelica) – le vice-royaume du Pérou était créé en 1543 –, la Côte Sauvage fut abandonnée aux aventuriers et aux étrangers. Francisco López de Gomara, auteur d’une Historia general de las Indias , écrivait en 1551 en évoquant la Guayana: «On n’a pas peuplé ce pays par le peu d’apparence d’or et d’argent.» Le cosmographe Juan López de Velasco qui décrit les Indes en 1574 et l’historiador Antonio Herrera y Tordesillas en 1601-1615 n’accordaient qu’une place insignifiante à cette marche de l’empire américain.

La recherche de l’El Dorado

Des aventuriers en quête d’or, pratiquant le rescate , continuèrent à sillonner l’intérieur de la Côte Sauvage pour leur propre compte. Plusieurs mythes amérindiens exercèrent une irrésistible fascination sur quelques-uns de ces hommes. Au cours de l’invasion du Pérou, les Espagnols entendirent évoquer par les indigènes l’existence de grandes cités où l’or abondait, voire celle d’un grand empire créé par les Incas, qui auraient emporté avec eux d’innombrables trésors. Une autre légende indienne rapportée aux Espagnols vers 1535 concernait El Dorado ou l’«homme en or». On racontait que, une ou deux fois l’an, ce roi légendaire, le corps recouvert de poudre d’or, apparaissait à son peuple au bord d’un lac situé dans une région montagneuse. Ce monarque, El Dorado, chargé d’or et de pierres précieuses, s’embarquait sur un radeau et gagnait le centre du lac où il lançait à l’eau des offrandes d’or et de diamants. Puis il plongeait et se baignait dans l’eau du lac. À l’origine de cette légende, il avait dû y avoir un rite religieux – encore célébré de nos jours sur le lac Guatavita aux environs de Bogotá.

Ils furent plusieurs à chercher la cité fabuleuse en Guayana, sur l’Orénoque, puis sur l’Amazone. Après plusieurs expéditions espagnoles au XVIe siècle, ce fut au tour des Anglais de se mettre en quête de l’El Dorado. Le désastre de l’Invincible Armada en 1588 permit un accroissement de l’activité des corsaires élizabéthains, les fameux sea dogs , dans la Méditerranée des Caraïbes. Des documents espagnols évoquant la cité fabuleuse tombèrent entre leurs mains. Robert Dudley fut le premier à se rendre à Trinidad et en Guayana en 1594-1595, piloté par Abraham Kendall. Walter Raleigh entra en scène en 1595. Il s’empara de Trinidad, fit prisonnier le gouverneur Berrio qu’il interrogea longuement sur Manoa. Il remonta l’Orénoque jusqu’au Caroni, tandis qu’il dépêchait en 1596 deux de ses lieutenants, Lawrence Keymis et Leonard Berry, plus à l’est. Ils reconnurent de nombreux cours d’eau et prirent contact avec plusieurs ethnies indiennes. Keymis se déclara convaincu qu’il était possible de se rendre directement à Manoa en remontant les fleuves Essequibo et Corantyne. D’après lui, le lac et la cité légendaire devaient se situer près des sources du Rupununi. À son retour en Angleterre, Raleigh écrivit un ouvrage intitulé The Discoverie of the Large, Rich and Bewtiful Empire of Guiana (Londres, 1596) qui eut un succès considérable en Europe. Sa dernière tentative, en 1618, qui s’acheva tragiquement, amorça le déclin de cette période: le mirage de l’El Dorado s’estompait.

Colonisations concurrentes

Il est impossible d’inventorier toutes les expéditions espagnoles et de connaître avec exactitude les différents postes de rescate qui ont subsisté ou disparu sans laisser de traces durables. Qu’est devenue par exemple la jornada del Dorado qui partit de Cadix le 24 février 1596? Cette entreprise de découverte et de peuplement comprenait 1 576 personnes embarquées sur six felibotes . À la mort de son père Antonio en 1597, Fernando de Berrio lui succéda comme gouverneur de Guayana et Trinidad. Deux bourgades avaient été fondées par Antonio de Berrio: Santo Tomé de Guayana sur l’Orénoque et San José de Oruna sur le Caroni. Mais Fernando ne partageait pas les rêves de son père, et il préféra s’enrichir en trafiquant avec les étrangers et en cultivant le tabac. La Guyane espagnole resta rattachée à Trinidad sur le plan administratif jusqu’au XVIIIe siècle. Un document de 1776 décrivait la province de Guayana comme étant «limitée à l’est par la côte où se sont établies les colonies hollandaises de Esquibos, Berbis, Mesari, Corentin et Surinama, et plus au vent la Cayanne appartenant aux Français». Au vrai, entre le Brésil et le delta de l’Orénoque s’étendait une région frontière où, malgré les tentatives et les convoitises, la colonisation espagnole avait échoué: un vaste no man’s land où s’implantèrent des colonies étrangères.

De 1590 à 1620, c’est le tabac de contrebande qui incita les corsaires anglais, français et flamands à fréquenter le voisinage de Trinidad et de la Guayana. Malgré les efforts de l’administration centrale espagnole pour imposer sa régie des tabacs vers 1620 aux marchands des Indes, ce furent les Portugais qui parvinrent à monopoliser ce commerce. Bien placés, profitant de la réunion des deux couronnes ibériques de 1580 à 1640, les Portugais intervinrent en Guyane sous couvert des asientos et de la traite négrière. Bénéficiant d’une longue expérience à l’intérieur de l’empire espagnol, les Provinces-Unies, après 1579, furent les premières à coordonner leurs efforts en direction de la Côte Sauvage. À partir de 1594, des convois de flûtes hollandaises, ne pouvant s’approvisionner à Setúbal (Portugal), vinrent charger du sel dans les salines d’Araya. Par ailleurs, les Flamands établirent des factoreries sur l’Essequibo (fort Ter Hooge, 1596) et sur l’Amazone (fort Orange et fort Nassau). La relation d’un voyage effectué au «Royaume de Guiana» en 1597-1598 par le vaisseau den Zeeridder («le Chevalier de mer») permet de découvrir l’importance du trafic de cette époque dans cette région des Amériques. Partie de Brielle (Zélande), l’expédition atteignit le cap Nord près de l’embouchure de l’Amazone et, de là, parcourut toute la côte, pénétrant dans plusieurs fleuves et rivières, faisant du troc avec les Indiens jusqu’au río de l’El Dorado (Orénoque). Le retour s’effectua par les Caraïbes. Le rapport de ce voyage, rédigé par l’écrivain du bord, A. Cabeljau, et envoyé aux autorités gouvernementales le 3 février 1599, eut un immense succès. Fortement impressionné par cette expédition, un grand marchand anversois réfugié à Amsterdam, William Usselinx, mit au point un plan de colonisation de la région guyanaise nécessitant l’aide de l’État et la création d’une puissante compagnie de commerce.

L’établissement de la W.I.C. (Compagnie des Indes occidentales), en 1621, à la fin de la trêve de Douze Ans, marquait la reprise des hostilités entre l’Espagne et les Provinces-Unies et le début d’un processus colonial impressionnant aux dimensions de la planète. En Amérique du Sud, quoique le Brésil devînt, malgré les suppliques de Usselinx, l’objectif principal des actionnaires de la W.I.C. (de 1621 à 1654), les Hollandais s’établirent de plus en plus durablement sur la Côte Sauvage. Après la perte du Brésil en 1654, tout l’effort porta sur la colonisation de la côte guyanaise devenue Nova Zelandia, et des colons furent envoyés sur le Pomeroon, sur l’Essequibo (fort Kijkoveral) et sur la Berbice. Venus du Brésil, des spécialistes organisèrent une industrie sucrière qui devint rapidement un facteur décisif du développement de cette colonie.

Anglais et Français, qui n’avaient pas le soutien de leurs monarchies respectives jusqu’au milieu du XVIIe siècle, tentèrent vainement de s’enraciner dans le vaste delta de l’Amazone et sur l’Oyapock. Les Anglais créèrent à cet effet deux compagnies: l’Amazon Co. en 1620 et la Guiana Co. en 1628, qui se heurtèrent à l’hostilité des Espagnols et des Portugais. Ces derniers, opérant du Brésil, détruisirent plusieurs bases étrangères en 1623, 1625 et 1630.

Les guerres en Europe qui opposaient les puissances maritimes eurent des répercussions en Guyane. Anglais et Hollandais, mais également Français et Portugais, se dressèrent les uns contre les autres en s’appuyant sur leurs bases caraïbes (Barbade, Tobago) ou brésiliennes. Au traité de Westphalie (1648), l’Espagne confirma les droits des Hollandais sur leurs établissements de l’Essequibo et de Berbice. À la paix de Breda (1667), qui clôturait la deuxième guerre anglo-hollandaise, l’Angleterre préféra échanger la colonie de Nieuw Amsterdam, en Amérique du Nord, contre le Suriname qui revenait à la Hollande. Les Hollandais, avec l’aide des Juifs d’Amsterdam et du Brésil, ayant réussi à évincer les Anglais, occupèrent Cayenne jusqu’en 1664. Jusque-là, en effet, la colonisation française avait échoué malgré différentes expéditions: Daniel de La Ravardière en 1604, 1612-1615, Jessé de Forest en 1623-1624, Poncet de Brétigny en 1643-1645, Royville en 1653. Ces échecs successifs à Cayenne s’expliquent par l’entêtement des organisateurs à vouloir conserver, en dépit des conditions géographiques, le mode de vie européen. Ne tenant pas compte de l’expérience des Amérindiens méprisés, ne s’informant pas auprès des Portugais, mieux outillés par plus d’un siècle de colonisation, les Français ne surent jamais tirer la leçon de cette série d’échecs.

Esclavage et résistance

Il n’y avait pas que le tabac, les bois précieux et l’or insaisissable qui attiraient les Européens à l’embouchure de l’Amazone. Vers 1620-1625, comptoirs et postes se pressaient dans le delta pour faire la traite des Indiens. Français et Portugais, surtout, excellaient à parcourir bois et rivières à la recherche de captifs éventuels. Les «traiteurs» français déguisés en Indiens se glissaient parmi les groupements indiens et tentaient d’en capturer à la barbe des Portugais. La traite des indigènes de Guyane prit également une soudaine extension dans la mer des Caraïbes sur l’initiative de Peter Stuyvesant, le gouverneur de Curaçao, de Thomas Warner, gouverneur de Saint-Christophe, et du commandant de Saint-Eustache. Ce trafic dura jusqu’au XVIIIe siècle.

La construction du fort de Presepio et la fondation de Pará (Belém) en 1616, la donation de la capitânia de Cabo do Norte (cap du Nord), en 1637, à Bento Maciel Parente dans le territoire actuel de l’Amapá marquèrent la volonté du Portugal de contrôler les marchés d’esclaves de l’Amazone. Les Portugais se heurtèrent aux Français établis à Cayenne depuis 1664. En effet, Colbert, décidé à combattre l’hégémonie hollandaise, avait chargé Antoine Lefebvre de La Barre de s’établir à Cayenne, après avoir chassé les Hollandais, avec 1 200 colons et 300 esclaves africains. Malgré deux interventions hollandaises en 1667 et 1676, cette colonie se développa lentement, souffrant toujours d’un manque chronique de main-d’œuvre. C’est ce qui conduisit le gouverneur Pierre La Ville de Ferrolles à pratiquer ouvertement la traite des indigènes de 1691 à 1705. La lutte pour l’accès à l’Amazone se termina par la victoire des Portugais. Le traité d’Utrecht (1713) fixa au fleuve Oyapock la limite de la colonie française et du Brésil, ce que la décision d’un conseil d’arbitrage rendit officiel en 1900. Au XVIIIe siècle, les incursions de Portugais et de flibustiers européens provoquèrent des migrations d’indigènes et le regroupement de ces derniers par des missions religieuses.

C’est sur l’esclavage que se fondèrent les colonies hollandaises et françaises: esclavage des indigènes, certes, mais surtout esclavage des Africains transportés par les circuits de traite négrière. La prise de la forteresse d’Elmina (1637), de Luanda et de São Tomé par les Hollandais, en 1641, leur permit d’organiser à leur profit les réseaux de la traite négrière associant l’Afrique aux Amériques. La France créa de son côté la Compagnie de la Guyane, qui préféra souvent vendre ses cargaisons de Nègres à Saint-Domingue.

Vers les années 1650-1660 se constitua à Para Creek et à Coppename une communauté de Nègres cimarrons qui comptait déjà plusieurs centaines d’individus. C’est l’origine du groupe des Nègres Saramaka qui rayonnait au voisinage des fleuves Suriname, Saramacca et Coppename au détriment des plantations, obligeant, en 1684, le gouverneur Cornelis van Aerssen van Sommelsdijk à traiter avec lui. Profitant des raids français de 1689 (Ducasse), 1708 et 1712 (Cassard), les Nègres esclaves tentèrent de s’organiser pour se libérer à Surinam. Cette colonie, administrée depuis 1682 par la Geoctroyeerde Societeit van Suriname, une société créée par la W.I.C., la cité d’Amsterdam et Sommelsdijk, reçut environ 400 000 Africains jusqu’à la suppression de la traite (1823).

L’insurrection des Nègres se propagea malgré l’intervention de la milice hollandaise qui ne put empêcher la dévastation des plantations et le pillage de Paramaribo en 1701, 1702, 1713, 1721, 1730 et 1734. La rébellion des esclaves de la plantation de Manuel Pereyra, en 1738, qui renforça la troupe des révoltés, incita le gouverneur Jan Jacob Mauritius à engager des pourparlers de paix. Mais la décision de traiter avec les rebelles fut remise en question par le refus d’un chef, Zamzam, de souscrire aux termes de l’accord de 1749 fondé pour l’essentiel sur les articles du traité de paix signé par les Anglais à la Jamaïque avec les Nègres marrons en 1739. Sous la pression d’un soulèvement général qui libéra tous les Nègres des plantations de la région de Commewijne et de ses affluents (Cottica, Perica et Tempati), les Hollandais durent signer la paix le 22 mai 1761 avec le groupe des révoltés du Djuka Creek, un affluent du Maroni. Un groupe de Saramaka signa également la paix avec les autorités le 18 septembre 1762. Un autre groupe de Nègres Matuari réfugié sur le Saramacca conclut la paix en 1767.

La création d’un corps de chasseurs composé de Nègres affranchis en 1772 n’enraya pas les départs d’esclaves, fuyant les plantations et s’embusquant dans les marécages de la Cottica. C’est ainsi que se forma le groupe des Nègres Boni: commandés par des chefs tels que Sylvester, Boni, Baron et Joli Cœur, ils remontèrent le Maroni en 1793 et s’enfoncèrent à l’intérieur vers le Lawa où ils se fixèrent en 1815, en Guyane française.

La croissance de la colonie d’Essequibo prit une grande ampleur avec le développement de l’industrie sucrière après 1713 et l’apport déterminant de la traite négrière anglaise. Sous le gouvernement de Laurens Storm van’s Gravesande, l’Essequibo et la colonie de Demerara créée par lui en 1746 devinrent la proie des rébellions de Nègres. Vers 1769, il y avait 3 986 esclaves enregistrés sur 92 plantations à l’Essequibo et 5 967 esclaves sur 206 plantations à Demerara. Le soulèvement des Nègres de Berbice, en 1763, fut réprimé avec brutalité: 40 Africains furent pendus, 34 écartelés et 24 brûlés vifs en mars et avril 1764. Cette terrible répression n’arrêta pas le processus de résistance. En 1795, la colonie de Demerara fut complètement razziée d’avril à septembre par les bandes de Nègres marrons, ce qui permit aux Anglais de s’en saisir en avril 1796 et de l’occuper jusqu’en 1802. Les Britanniques prenaient définitivement le contrôle de l’Essequibo, Demerara et Berbice le 17 septembre 1803, laissant le Suriname aux Hollandais. La Convention d’août 1814 officialisa cette cession définitive. C’est sous l’administration anglaise que survint le soulèvement de 1823 à Demerara, causé par les rigueurs du système esclavagiste que soutenaient le gouverneur et les planteurs. Les révoltés, au nombre de 2 000 environ, se heurtèrent aux troupes régulières qui les massacrèrent, la loi martiale ayant été décrétée.

Cayenne: les échecs

Comparée à ses voisines, Suriname, Essequibo et Demerara, qui bénéficiaient de l’apport technologique et financier du capitalisme anglo-hollandais au XVIIIe siècle, Cayenne, la colonie française, faisait piètre figure. Vers 1763, au sortir de la guerre de Sept Ans qui avait été désastreuse pour la France (perte du Canada), l’implantation française en Guyane se limitait à l’île de Cayenne et à quelques postes dispersés le long du littoral atlantique. La population comptait alors 575 Blancs, 64 libres, 6 996 esclaves (1763). Elle évolua peu: en 1788 il y avait 1 346 Blancs, 483 libres, 10 430 esclaves. Pour pallier le manque de main-d’œuvre dont les administrateurs se plaignaient régulièrement, le ministre Choiseul entreprit d’envoyer, sans tenir compte des moyens d’accueil en Guyane, plus de 14 000 personnes. L’expédition fut un désastre: 10 000 morts furent dénombrés par les administrateurs Étienne-François Turgot et J.-B. Thibaut de Chanvallon le 9 juin 1765. On reste consterné par la légèreté avec laquelle se prépara et se poursuivit l’entreprise, par la misère des colons arrivés en décembre 1763 au début de la saison des pluies alors que les logements manquaient, certains d’entre eux étant installés à l’île du Diable, et par le retard des répartitions sur les concessions de Kourou. Cette triste expédition de Kourou (1763-1765), qui se solda par la perte de plus de 30 millions de livres tournois, pèsera longtemps sur la destinée de la Guyane. Cet échec sera suivi des tentatives maladroites d’administrateurs tels que Ferdinand de Bessner (Tonnegrande, 1772), de Victor Malouet (qui voulait appliquer les techniques des cultures des terres basses employées par les Hollandais au Suriname) et des projets de Jean Dubuc, premier commis des colonies au ministère de Choiseul.

L’invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes entraîna la conquête de Cayenne par une force militaire partie de Pará (Brésil) et l’occupation de la colonie, de janvier 1809 à novembre 1817. Le gouverneur portugais rédigea en août 1809 un long mémoire qui soulignait la négligence de l’administration française, en particulier en ce qui concernait les moyens de communication et l’économie. L’occupation portugaise ouvrit l’accès au marché brésilien, encouragea le commerce étranger, et surtout la traite négrière anglaise. Il y avait, en 1809, 234 habitations établies au bord de la mer, et João Severiano Maciel da Costa, intendant de 1810 à 1817, entreprit de les rénover, voulant conserver la colonie dans l’orbite du Brésil. C’est à cette époque que la guerre de course, jusque-là menée par les commissaires Nicolas Jeannet-Oudin (1793-1794, 1796, 1798) et Victor Hugues (1800-1809), changea ses objectifs pour s’attaquer à la Guyane portugaise (Cayenne).

Rejetant le système esclavagiste, plusieurs bandes de Nègres marrons se constituèrent: dans la région de la rivière d’Oyac, près de la rivière de Tonnegrande, à la montagne Plomb. Ils pratiquaient l’agriculture et bénéficiaient souvent du concours des indigènes de l’intérieur. Le marronnage des 98 esclaves de l’habitation Belleterre en 1781, encouragé par le gouverneur Bessner lui-même, reste un curieux exemple des contradictions spécifiques de l’administration coloniale.

Destruction du système esclavagiste

Des changements économiques et sociaux affectèrent au XIXe siècle les Guyanes, chacune de manière différente. La traite négrière fut limitée, puis abolie par les Anglais en 1807 dans les deux nouvelles colonies acquises au tournant du siècle: Guiana (Guyane britannique) et Trinidad. Un processus d’abolition de l’esclavage aboutit en août 1833 au vote du bill d’abolition par le Parlement britannique et à son entrée en vigueur le 1er août 1834. Les planteurs de Demerara et de l’Essequibo reçurent une indemnité globale de 21,5 millions de dollars pour leurs 84 915 esclaves. Le Bill de 1833 prévoyait une période d’apprentissage – c’est-à-dire de travail non rémunéré pour leurs anciens maîtres – de quatre ans pour les esclaves domestiques et de six ans pour ceux qui travaillaient dans les champs. En Guiana, ce système d’apprentissage fut supprimé en 1838 après que la production sucrière n’eut diminué que de 10 p. 100 par rapport aux années 1830-1833.

Le free-holding («petite propriété») se développa, favorisé par l’étendue des terres, ce qui entraîna les plaintes des planteurs. Ceux-ci, cherchant à réduire les coûts de production, à verser des salaires les plus bas possible et à contrôler le marché du travail, envisagèrent plusieurs possibilités. Ils commencèrent par la mécanisation des moyens de production en introduisant la machine à vapeur et l’utilisation d’engrais, afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des travailleurs. La construction des grandes usines centrales ne devait être programmée qu’à la fin du XIXe siècle. Les planteurs s’employèrent également à enfermer les Nègres dans le travail des plantations, en portant le prix des terres de la Couronne à des taux prohibitifs pour les anciens esclaves. Enfin et surtout, ils élaborèrent un plan à long terme de transformation du marché du travail en faisant appel, pour le contrôler, à des travailleurs immigrés qui devaient remplacer – mais surtout concurrencer – les Nègres, anciens esclaves.

Les projets d’introduction d’immigrants, conçus dès 1834, visaient également à renforcer numériquement la communauté des Blancs. Entre 1835 et 1839, plusieurs tentatives d’engagement de travailleurs d’Angleterre, d’Irlande, d’Allemagne et de Malte échouèrent à cause de la mortalité trop élevée. En revanche, l’immigration de Portugais, commencée en 1835 avec l’arrivée d’un contingent de 430 individus, dura jusqu’en 1882, avec des arrêts de 1842 à 1846 et de 1848 à 1850. Un système de prélèvement obligatoire avait été mis au point pour financer le transport des immigrants. Ce système permit de faire payer aux Nègres la plus grande part d’une politique d’immigration visant à les neutraliser. Rien qu’en 1841, 1 102 Africains et 2 745 Antillais (des West Indies) débarquèrent en Guiana. Une épidémie foudroyante qui décima les Portugais amena les autorités à recourir à l’immigration de Madère. De 1842 à 1846, plus de 10 000 Madériens arrivèrent en Guiana. La «plantocratie» fit venir 5 000 travailleurs antillais de Barbade, Saint-Kitts, Antigua et Montserrat entre 1835 et 1838, en passant par le biais d’une entreprise privée. Elle établit en 1839 une société de Voluntary Subscription Immigration, qui faisait appel officiellement à des travailleurs du monde entier mais qui, en réalité, s’adressait surtout aux West Indies, ce qui provoqua l’opposition des planteurs de ces colonies anglaises. Cette société parvint à importer 2 900 travailleurs de Barbade, puis cessa son activité sous la pression du gouvernement britannique. En revanche, le gouvernement royal permit l’émigration volontaire d’Africains et encouragea le départ, en 1841, de nombreux Africains libérés de Sierra Leone. Ainsi, de 1838 à 1865, entrèrent en Guiana, sous contrat, 13 355 Africains qui s’ajoutèrent aux 31 628 Portugais entrés de 1835 à 1882 et aux 42 562 originaires des Caraïbes orientales engagés de 1835 à 1928. L’immigration de travailleurs venant de l’Inde fut conçue à une échelle beaucoup plus large: de 1838 à 1917, 238 960 Indiens arrivèrent en Guiana. Enfin, la communauté du travail s’enrichit de l’arrivée de Chinois entre 1859 et 1866.

Il ne restait en 1881 que 7 708 Amérindiens et 7 463 en 1891. Quand, par l’Ordonnance XXVIII de 1910, il fut décidé de les placer dans dix réserves, ils n’étaient plus que 6 901, soit 2,33 p. 100 de la population totale. Les émigrants portugais reçurent dès 1841 une importante assistance financière des planteurs et du gouvernement, qui leur permit de monopoliser rapidement le petit commerce de détail. Ils constituèrent une classe moyenne très active à laquelle se heurtèrent les Nègres créoles qui subissaient la discrimination raciale en ville et à la campagne. Des tensions raciales opposèrent les deux communautés, et des émeutes éclatèrent le 18 février 1856 à Georgetown: des Portugais furent molestés et leurs magasins pillés. Les conflits entre Africains et Indiens n’atteignirent jamais l’intensité des rapports Nègres/Portugais. Il y eut de brèves échauffourées au cours de la décennie 1880-1890. Les planteurs surent tirer parti de ces oppositions pour manipuler les différents groupes et même les utiliser dans l’appareil policier de l’État colonial. Ces tensions sociales et raciales culminèrent avec les grandes émeutes de novembre-décembre 1905, connues sous le nom de Ruimveldt Riots à Demerara, qui marquaient la fin d’une époque de contrôle des planteurs et le début d’une prise de conscience des masses ouvrières guyanaises. Le livre de l’historien guyanais Walter Rodney, A History of the Guyanese Working People, 1881-1905 , est sur ce point très significatif.

Sur le plan économique, des transformations survinrent à tous les niveaux de la production. Le nombre des plantations diminua constamment au cours du siècle: elles étaient 380 en 1800, 230 en 1829, 180 en 1849, et 64 en 1896. Le sucre devint, vers les années 1830-1840, la principale denrée d’exportation, devant le café, le coton et le cacao. On cessa d’exporter le cacao vers 1832, le coton vers 1838-1839 et le café vers 1847. La concentration de la production sucrière et de ses dérivés, rhum, mélasses, accrut sa vulnérabilité, comme le montra la crise de 1840-1845, qui coïncida pourtant avec l’expansion rapide du marché mondial du sucre. En 1846, le Sugar Duties Act ouvrit le marché du Royaume-Uni à la production sucrière guyanaise qui passa de 820 318 t en 1839 à 1 202 845 en 1850. Mais c’est vers les États-Unis d’Amérique que s’orienta de manière décisive l’exportation sucrière, après la constitution à Philadelphie en 1855 de l’American & British Guiana Commercial Stock Co. L’accroissement des exportations fut spectaculaire: vers 1860, 7,5 p. 100 du volume total de la production sucrière était vendu sur le marché nord-américain; en 1865, 12 p. 100; en 1869, plus de 44 p. 100 et, en 1871, plus de 50 p. 100.

Il reste que c’est à la fin du XIXe siècle que se constitua l’économie moderne de la Guyane britannique. La culture du riz vint s’ajouter à la production agricole et aux nouvelles industries développées à partir de l’exploitation de l’or, des diamants et du bois. Les importations de riz cessèrent et l’exportation commença en 1906. Les Indiens devinrent le groupe majoritaire sur les plantations. Une classe moyenne émergeait peu à peu, et la scène politique ne fut plus occupée exclusivement par les planteurs.

Le développement, au XIXe siècle, des deux autres colonies, Suriname et Cayenne, fut beaucoup moins spectaculaire que celui de la Guyane britannique. Au Suriname, de grands travaux agricoles furent entrepris au long des fleuves Suriname, Commewijne et Cottica. Une main-d’œuvre asiatique immigra dans la colonie de 1846 à 1917 (35 000). L’abolition de l’esclavage en 1863 inaugura une période marquée surtout par le développement rapide de la capitale, Paramaribo. Les travailleurs originaires de l’Inde vinrent s’ajouter aux Nègres libérés qui préféraient résider dans les établissements côtiers et se consacrer à l’agriculture sur de petites propriétés.

En Guyane française, après l’abolition de l’esclavage en 1848, le gouvernement du second Empire pensa résoudre le problème de la main-d’œuvre en établissant, en 1852, une colonie pénale. Mais la fièvre jaune, la malaria et le détournement des fonds publics firent avorter ce projet. Déjà, en 1795, Billaud-Varennes et Collot d’Herbois avaient été déportés à Cayenne. Le 14 novembre 1797, des établissements furent créés à Sinnamary et à Conamama, sous la garde d’un poste militaire pour recevoir des déportés parmi lesquels se trouvaient Tronçon-Ducoudray, Laffon-Ladebat, Dauberjon-Murinair, Aubry, Willot, Dossouville, Delarue, Ramel, Barthélemy, Rovere, Bourdou, Barbe-Marbois, Vaublanc, Pichegru et des prêtres insermentés.

L’abolition concernait en Guyane, au 1er mai 1848, environ 12 525 esclaves qui, aussitôt libérés, partirent, pour leur grande majorité, s’installer sur des terres disponibles. La production de sucre tomba alors de 2 309 180 kg en 1847 à 2 080 495 en 1848, 1 004 560 kg en 1849 et 401 618 kg en 1851. Prétextant la ruine de cette possession, le gouvernement français prit la décision, en 1851, de transformer la Guyane en un vaste pénitencier. Dans un rapport du 20 février 1852, Ducos, ministre de la Marine et des Colonies, indiquait les motifs qui incitaient le gouvernement à tenter une autre colonisation fondée sur le bagne, qui débarrasserait la France d’une «vraie lèpre sociale qui entretenait les traditions de l’école du crime dans les bas-fonds de la population».

La déportation de 1852 concernait autant les condamnés de droit commun que les déportés politiques. Le capitaine Dreyfus fut interné à l’île du Diable, de 1895 à 1899. Les conditions notoirement sinistres et inhumaines de ces établissements à Cayenne, à Saint-Laurent-du-Maroni et sur l’Oyapock, ternirent pendant plus d’un siècle l’image de la colonie. La stagnation économique ne fut guère modifiée par une immigration asiatique (indienne et annamite), africaine et malgache, trop peu nombreuse. Un gisement d’or trouvé en 1855 dans l’Arataye, un affluent de l’Approuague, fut exploité par une société qui put extraire 315 kg d’or en 1863. La première ruée vers l’or se fit en 1886 sur le Lawa, un affluent du Maroni, où la production, en 1887-1888, atteignit 3 815 kg. En 1893, le Carsewene, dans le territoire disputé avec le Brésil, produisit, en 1894-1895, 7 854 kg d’or fin. Enfin, en 1900, le dernier rush fut celui de l’Inini, où la production s’éleva, en 1902-1903, à 8 567 kg. Le boom aurifère, dans le bassin du Yuruari en Guyane vénézuélienne, attira de nombreux prospecteurs venant de la région côtière des trois colonies guyanaises.

La Guyane française contemporaine

Le statut colonial de la Guyane française avait doté celle-ci d’un conseil général depuis 1878 et d’un député élu depuis 1879. Elle eut un sénateur à partir de 1946, quand fut votée la loi d’assimilation qui en fit un département français. La Guyane comporte deux divisions territoriales, la région maritime autour de Cayenne et le territoire de l’Inini: créé en 1930, ce territoire est devenu, en 1951, un arrondissement ayant pour siège Saint-Laurent depuis 1969.

Combien y a-t-il de Guyanais? La population totale officielle s’élevait à 120 000 habitants au 1er janvier 1991. Mais, plus vraisemblablement, ce nombre devait osciller entre 140 000 et 160 000. On observe dans ce territoire une mosaïque de communautés parmi lesquelles se détachent les «créoles», descendants de la société esclavagiste, des indigènes amérindiens: Galibi, Arawaks et Palikour sur le littoral, Emerillons, Wayampi et Wayana en amont des grands fleuves. Ils étaient entre 5 000 et 9 000 sur une population aborigène qui comptait au total 34 000 personnes en 1964. Concentrées presque exclusivement sur le littoral, les communautés de «Nègres des rivières»: Boni, Djuka, Saramaka, Paramaka, Aluku. Après les Chinois, arrivés à la fin du XIXe siècle, sont venus des Asiatiques de Taiwan, de Hong Kong, de Malaisie et des Hmongs, réfugiés laotiens, depuis 1977. En dehors des Français (30 000) et des Syro-Libanais, il existe une population d’origine étrangère en provenance des pays voisins: Suriname, Brésil, Guyana. Une communauté haïtienne de 25 000 personnes (1992) fuyant la dictature des militaires a trouvé refuge en Guyane.

Une agriculture moderne, située dans la zone côtière, occupe la plus grande part de la surface agricole de la Guyane, soit 13 000 hectares constitués pour l’essentiel de superficies en herbe, de rizières et de cultures fruitières.

Un centre spatial a été établi à Kourou depuis 1964. Doté d’un hôpital, d’écoles et d’un lycée, il est devenu un îlot de prospérité au milieu de la misère. Il comptait 14 000 habitants en 1991, 20 000 en réalité, dont un quart en situation irrégulière. Depuis 1968, la population de Kourou a triplé. Deux villes coexistent: l’ancienne, où s’entassent créoles et immigrés dans des quartiers sans équipements et des bidonvilles infects, et la «ville blanche», un ghetto de luxe pour techniciens européens: résidences, pelouses, commerces de standing, courts de tennis, autos et navires de plaisance à l’occasion.

Le trafic de drogue est en hausse: la cocaïne arrive du Brésil et du Suriname, dix fois moins chère qu’à Paris. Un marché local s’est créé, attiré à l’origine par une population de techniciens européens à niveau de vie élevé, initiée à la consommation de ce produit de luxe. Un climat d’insécurité se développe malgré le démantèlement en 1989 des bandes armées de Brésiliens et de natifs de la Guyana. Comment enrayer la migration et le travail clandestin de main-d’œuvre étrangère alors que les frontières sont si perméables?

L’instauration du système des travaux d’utilité collective (T.U.C.) en 1984, favorisant la multiplication des emplois salariés, et celle du revenu minimum d’insertion (R.M.I., 4 182 allocataires en décembre 1991) ont été un désastre pour les communautés indigènes. Leur mode de vie a été profondément modifié: «Ils touchent de l’argent sans rien faire, oubliant un peu l’abattis (culture de subsistance), ne savent plus comment faire une pirogue. J’en connais même qui ne savent plus ni pagayer ni pêcher!» déclare un Galibi militant de la cause indigène. La consommation d’alcool a fait un bond considérable.

Cependant, comme partout sur le continent américain, une renaissance se fait jour. En 1984, un vaste rassemblement marqua la naissance de la première organisation autochtone d’importance en Guyane, l’E.P.W.W.A.G. (du nom des six communautés présentes sur le territoire: Emerillons, Palikours, Wayanas, Wayampis, Arawaks et Galibis). À cette occasion fut lancée une Adresse au gouvernement français . Au centre des revendications se trouvent la reconnaissance en tant que nation indigène et le problème de la terre. Ce réveil aboutit, le 1er janvier 1989, à la création de la première commune amérindienne, Awala-Yalimapo, gérée par un maire galibi. Par ailleurs, le décret foncier du 14 avril 1987 permet au préfet de reconnaître les droits d’usage, la concession, puis la cession gratuite de parcelles pour l’habitat et l’agriculture au bénéfice d’associations regroupant ces populations. Ce décret rendit donc possible la création de zones de subsistance sur lesquelles les communautés indigènes peuvent perpétuer la cueillette, la chasse, la pêche et les traditions ancestrales. Les Galibis de Kourou et la commune d’Awala-Yalimapo ont déjà pu bénéficier de cette disposition juridique.

La Guyane s’est considérablement endettée: près de 800 millions de francs en 1992. Plusieurs entreprises ont déposé leur bilan en 1991. La crise économique se fait durement sentir: plus d’argent dans les caisses, plus de grands travaux en perspective, des faillites en cascade, un chômage en augmentation, un marché du travail incontrôlable.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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